Un procès « historique » qui présente un « intérêt pour la constitution d’archives » de la justice. Dans une décision du 30 juin, la cour d’appel a annoncé que le procès des attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher sera filmé, a révélé BFMTV. « C’est une initiative du parquet national antiterroriste. Tout le procès sera enregistré », a confirmé le parquet auprès de La Croix. Quatorze suspects vont comparaître du 2 septembre au 10 novembre prochain au tribunal de Paris.
En 2015, ces attentats deviennent les plus graves que la France ait connu depuis plus d’un demi-siècle. « Ces attentats ont profondément marqué l’histoire du terrorisme national et international souligne la cour d’appel. Le retentissement et l’émotion qu’ils ont engendrés ont largement dépassé les frontières en raison des symboles visés : la liberté de la presse, l’État et ses représentants ainsi que la communauté juive. »
Pour Sylvie Lindeperg, historienne des relations entre cinéma, mémoire et histoire, cette décision « est une manière de souligner la dimension historique de ce procès, qui s’inscrira dans le présent comme dans le futur ».
Transmis aux Archives de France
Filmer ou enregistrer des audiences est en principe interdit depuis la loi de 1881 sur la liberté de la presse. Mais avec la loi Badinter de 1985, cela peut être autorisé si le procès « présente un intérêt pour la constitution d’archives historiques de la justice », comme c’est le cas avec le procès des attentats de Charlie Hebdo. L’enregistrement vidéo se fait à partir de points fixes dans la salle d’audience et « dans des conditions ne portant atteinte, ni au bon déroulement des débats, ni au libre exercice des droits de la défense », souligne encore la cour d’appel dans sa décision du 30 juin.
L’historienne Sylvie Lindeperg précise que la loi Badinter contient un cahier des charges très précis concernant les techniques de tournage afin de « refroidir les passions ». « Il y a mille manières de filmer un procès, mais il faut en conserver la sacralité, tendre à la neutralité, à l’objectivité. Les réalisateurs ont peu de liberté, et un représentant de la justice est en régie pour contrôler leur travail », explique-t-elle.
Les enregistrements, transmis ensuite à l’administration des Archives de France, ne seront diffusés librement que cinquante ansaprès la fin du procès, comme le prévoit la loi Badinter. Des dérogations existent cependant pour pouvoir les consulter avant. « Ces archives vont permettre aux futurs historiens de trouver des éléments très précieux pour écrire l’histoire de ces grands procès et en conserver la mémoire auprès d’un public plus large, affirme Sylvie Lindeperg, d’autant plus que ce sont les corps qui sont enregistrés, les gestes, les regards, des détails qui peuvent ne pas apparaître dans un compte-rendu écrit. »
Huit procès filmés depuis la loi Badinter
Depuis la loi Badinter, huit procès ont été filmés. Le procès de Klaus Barbie, en mai 1987, a été le premier. Suivent le procès du sang contaminé, en 1992, celui de Paul Touvier, en 1994, condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour crime contre l’humanité. Quatre ans plus tard, le procès de Maurice Papon, condamné pour complicité de crimes contre l’humanité, est enregistré intégralement. Robert Badinter sera lui aussi filmé en 2007 lors de son procès face à Robert Faurisson, qui l’a attaqué en diffamation.
Les derniers en date sont le procès AZF en 2009, filmé à la demande du Comité de défense des victimes et de l’Association des familles, le procès Pinochet en 2010 et le procès de Pascal Simbikwanga en 2014, jugé pour complicité de génocide au Rwanda.
Le procès des attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher est le premier dossier terroriste à être filmé. Celui des attentats du 13 novembre, qui ont fait 137 morts, devrait se tenir en 2021. Si la question de l’enregistrement n’a pas encore été tranchée, il pourrait être filmé pour permettre aux 1 700 parties civiles de suivre le procès.
Source : la-croix
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